Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/78

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où mon cheval est tombé sous des fenêtres qui ont des persiennes vertes.

Ces paroles furent dites comme quelqu’un qui les trouve à mesure qu’il les prononce. Madame de Chasteller ne put s’empêcher d’être profondément touchée de cet air à la fois sincère et noble ; Leuwen avait senti une certaine pudeur à parler de son amour plus ouvertement, et on l’en remercia par un sourire tendre.

— Oserai-je me présenter demain ? ajouta-t-il. Mais je demanderai une autre faveur, presque aussi grande, celle de n’être pas reçu en présence de cette demoiselle.

— Vous n’y gagnerez rien, lui répondit madame de Chasteller avec tristesse. J’ai une trop grande répugnance à vous entendre traiter, en tête à tête, un sujet qui semble être le seul dont vous puissiez me parler. Venez, si vous êtes assez honnête homme pour me promettre de me parler de tout autre chose.

Leuwen promit. Ce fut là à peu près tout ce qu’ils purent se dire pendant cet après-midi. Il fut heureux pour tous les deux d’être environnés, et en quelque sorte empêchés de se parler. Ils auraient eu toute liberté qu’ils n’auraient pas dit beaucoup plus, et ils n’étaient pas, à beaucoup près, assez intimes, pour ne pas