Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ôter le plus gros de la boue fétide dont les manches de son habit étaient couvertes.

— Il faut que je retrouve l’homme qui m’a insulté, répétait Leuwen pour la cinq ou sixième fois.

— Dans le métier que nous faisons, vous et moi, répondit enfin Coffe d’un fort grand sang-froid, il faut secouer les oreilles et aller en avant.

L’hôte survint. Il était sorti de son auberge par une porte de derrière, et ne put ou ne voulut répondre à Leuwen qui demandait le nom du grand jeune homme qui l’avait insulté.

— Payez-moi, monsieur, cela vaudra mieux. C’est quarante-deux francs.

— Vous vous moquez de moi ! Un dîner pour deux, quarante-deux francs ?

— Je vous conseille de filer, dit le brigadier. Ils vont revenir avec des tronçons de choux.

Et Leuwen remarqua que l’hôte remerciait le brigadier du coin de l’œil.

— Mais comment avez-vous l’audace ?… dit Lucien.

— Monsieur, allons chez le juge de paix si vous vous croyez lésé, dit l’hôte avec l’assurance insolente d’un homme de cette classe. Tous les voyageurs de mon hôtel ont été effrayés, il y a un Anglais et sa femme qui ont loué la moitié du