Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, I, Lévy, 1854.djvu/334

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remarquera que les paroles de ce rôle jurent avec les manières vraies du dix-neuvième siècle.

La sagesse des plus jolies actrices du Théâtre-Français est exemplaire ; elles refusent à Londres des offres singulières. Ces dames pourront donc représenter la femme française de notre siècle qui est sage et impérieuse avant tout.

— Rien de pitoyable comme les comédiens actuels, poursuit M. C… ; ces pauvres gens n’ont rien à eux, pas même leur nom. Plusieurs ne manquent pas de véritables dispositions : mais le provincial ne veut pas laisser faire dans l’art de jouer la comédie la révolution qui s’est opérée dans l’art de l’écrire. Il en est toujours aux copies de Fleury.

« Belle révolution ! disent-ils. Une emphase abominable ; rien de naturel ; la peur continue d’être simple ; des personnages qui récitent des odes. Beaux effets du romantisme ! »

— Le romantisme ou la déroute des trois unités était une chose de bon sens ; profiter de la chute de ce tyran absurde pour faire de belles pièces est une chose de génie, et le génie français se porte maintenant vers l’Académie des sciences ou vers la tribune. Si M. Thiers ne parlait pas, il écrirait.

En 1837, l’Allemagne, et surtout l’Italie, ont de bien meilleurs acteurs que la France. Où est notre Domeniconi, notre Amalia Bettini, qui a la bonté de se croire inférieure à mademoiselle Mars ? Ce sont les villes où elle joue qui sont inférieures à Paris. Les troupes en Italie changent de résidence tous les quatre mois, et le plus grand talent doit faire de nouveaux efforts pour réussir. Bologne aurait grand plaisir à siffler ce que Florence vient d’applaudir. Quel père noble de Paris l’emporte sur Lablache ?


— Nantes, le 1er juillet 1837.

Cette journée a été consacrée à la revue des monuments publics. C’est une des pires corvées imposées au pauvre voyageur arrivant pour la première fois dans un pays.