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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

Les monuments d’Erdéven et de Carnac sont-ils antérieurs à César ? sont-ils antérieurs même aux druides ?

En les examinant, ma pensée était remplie du peu de pages que César consacre à ces prêtres habiles ; car je n’admets aucun témoignage moderne, tant est violent mon mépris pour la logique des savants venus après le dix-septième siècle. Je vais transcrire quelques pages de César ; les lecteurs que la physionomie morale de nos aïeux n’intéresse point les passeront ; les autres aimeront mieux trouver ici ces paragraphes de César que d’aller les chercher dans le sixième livre de la Guerre des Gaules.

« § 13. Il n’y a que deux classes d’hommes dans la Gaule qui soient comptées pour quelque chose, car la multitude n’a guère que le rang des esclaves, elle n’ose rien par elle-même, et n’est admise à aucun conseil. La plupart des Gaulois de la basse classe, accablés de dettes, d’impôts énormes et de vexations de tout genre de la part des grands, se livrent eux-mêmes comme en servitude à des nobles qui exercent sur eux tous les droits des maîtres sur les esclaves. Il y a donc deux classes privilégiées : les druides et les chevaliers.

« Les druides, ministres des choses divines, peuvent seuls faire les sacrifices publics et particuliers, ils sont les interprètes des doctrines religieuses. Le désir de s’instruire attire auprès d’eux un grand nombre de jeunes gens qui les tiennent en grande vénération. Bien plus, les druides connaissent de presque toutes les contestations publiques et privées.

« Si quelque crime a été commis, si un meurtre a eu lieu, s’il s’élève un débat sur un héritage ou sur des limites, ce sont les druides qui statuent ; ils distribuent les récompenses et les punitions[1]. Si un particulier ou un homme public ose ne point déférer à leur décision, ils lui interdisent les sacrifices ; c’est chez

  1. Ainsi les druides sont maîtres des tribunaux, et distribuent les croix. Ce pouvoir préparait celui des évêques.