Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/265

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le soin de faire établir ce monument de leur vivant, et l’ont dédié sous l’ascia[1]. Le chemin libre est réservé. »

Cette dernière ligne indique qu’en cédant le terrain où était placé ce tombeau, le vendeur avait excepté le chemin qui y conduit.

J’ai beaucoup examiné le style[2] d’un curieux fragment de statue antique, c’est une cuisse de cheval en bronze doré ; ce fragment a une histoire que voici :

Depuis longtemps les bateliers et les pêcheurs avaient remarqué dans la Saône, du côté du pont d’Ainay, une sorte de borne qu’ils appelaient le tupin de fer, c’est-à-dire le pot de fer rompu. Les pêcheurs l’évitaient pour ne pas déchirer leurs filets ; les bateliers, au contraire, y accrochaient leurs crocs pour s’aider à remonter la rivière.

Le 4 février 1766, les eaux étant très basses et fortement gelées, un constructeur de barques, appelé Laurent, chercha à arracher le tupin de fer. Il se fit aider par un de ses amis. Comme ils n’étaient pas

  1. Sous la hache ou faucille avec laquelle on avait coupé les prémices de l’herbe, au lieu où le monument a été établi.
  2. Par le style ou la façon de rendre l’attache des muscles, et leur renflement, les veines, etc., on peut souvent déterminer l’époque d’une statue, à cinquante ans près.