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naturel n’existe plus même chez l’enfant de huit ans.

À Lyon, on voit encore le gamin ; à Marseille, nous sommes en plein naturel, l’enfant y est déjà grossier, emporté et bien comme son père, et de plus il a toutes les grâces de l’enfance. Le Dauphiné en entier est le pays du naturel chez les enfants.

À Lyon, j’écris ces phrases trop sérieuses devant une fenêtre qui domine la place de Bellecour et la statue de Louis XIV, qu’il faut faire garder par une sentinelle. Je l’avoue, Lyon m’a rendu triste. Des affaires fort essentielles m’y occupent trop peu.

Cette statue de Louis XIV est fort plate, moralement parlant, mais elle est parfaitement ressemblante. C’est bien là le Louis XIV de Voltaire ; c’est tout ce qu’il y a au monde de plus éloigné de la majesté tranquille et naturelle du Marc-Aurèle du Capitole. La chevalerie a passé par là.

Au reste, je vois ici deux métiers bien difficiles : celui de prince et celui de statuaire. Faire de la majesté qui ne soit pas ridicule est une rude affaire aujourd’hui. Vous faites certains gestes, vous relevez la tête, pour me donner l’idée, à moi, maire de petite ville, que vous êtes un prince ; vous ne vous donne-