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UN SOT

de son mari. M. Balarot, s’achemine à pas de loup vers la chambre de sa femme, et sans lumière, pour ne point la réveiller, le voilà qui, sans bruit cherche le flacon sur la cheminée, puis sur le bureau voisin.

Au milieu de cette recherche discrète, le Balarot est surpris par un ronflement des plus caractérisés ; il s’écrie, il croit que sa femme est tombée en apoplexie. Ici, un voile fort épais s’étend sur les infortunes conjugales de ce vrai patriote, et en rend le détail plus piquant pour les habitants du pays. Il court à sa chambre pour prendre de la lumière. Comme il revient, une bouche invisible éteint sa bougie, puis on le retourne, on le pousse par les deux épaules dans sa chambre ; il entend des rires étouffés, et croit reconnaître la voix d’un de ses amis intimes. À peine l’a-t-on fait entrer dans sa chambre, qu’on l’enferme à double tour.

Le Balarot furieux saute par la fenêtre qui n’est qu’à huit ou dix pieds au-dessus du jardin ; il sonne à sa porte, éveille tout le monde et même madame Balarot, qui ne comprend rien à l’histoire qu’il lui raconte en jurant, et le prie fort résolument de la laisser dormir, surtout quand il s’est oublié à table.

Le lendemain, dès sept heures, le malheureux époux va conter son cas au vieux