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HISTOIRE DU GOTHIQUE

Ce fut au milieu de ce chaos abominable du dixième siècle que cet être social que nous appelons la France commença à se former. Ce qui n’empêche point les écrivains monarchiques, qui apparemment travaillent sur des mémoires particuliers, de nous parler sans cesse de notre belle monarchie de quatorze siècles.

Dès le cinquième, bien longtemps avant l’affreuse barbarie du dixième, les évêques étaient à peu près les seuls magistrats. C’est ce que l’on voit dans l’histoire de cet honnête homme si sincère, Grégoire de Tours.

Le rôle des prêtres exigeait alors infiniment d’esprit ; il fallait se soutenir, sans force physique, au milieu de ces barbares souvent furieux qui ne comprenaient que la force du glaive. Les prêtres, pour établir leur empire, parlaient sans cesse de l’enfer à la partie faible de la société, aux enfants, aux femmes, aux vieillards affaiblis.

La menace vague contenue dans cette grande idée de l’enfer, base du christianisme, ne suffisant plus pour contenir les barbares furibonds de la fin du neuvième siècle, les prêtres se concertèrent et annoncèrent que le monde allait finir en l’an mille. Pour le coup, les barbares prêtèrent l’oreille.