Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/91

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M. de C. élève la voix, tranche sur toutes les questions, et personne en sa présence n’ose mettre en doute ce qu’il avance. Il m’a parlé de lord Durham, qui, dit-il, va éclipser O’Connell parce qu’il est plus noble.

Si le provincial est excessivement timide, c’est qu’il est excessivement prétentieux ; il croit que l’homme qui passe à vingt pas de lui sur la route n’est occupé qu’à le regarder ; et si cet homme rit par hasard, il lui voue une haine éternelle[1].

Lors de la fameuse soirée Robertson, M. de C. osa prendre la parole devant quatre cents personnes, l’élite de la ville. S’il n’eût pas réussi, il était perdu. Il prononça son mot d’une voix haute et très distinctement. Cette apparence de courage fit peut-être la moitié du succès.

Avez-vous lu Tom Jones de Fielding, si oublié maintenant ? Ce roman est aux autres ce que l’Iliade est aux poèmes épiques ; seulement, ainsi qu’Achille et Agamemnon, les personnages de Fielding nous semblent aujourd’hui trop primitifs. Les bonnes manières ont fait de notables progrès, et veulent que chacun déguise un peu plus ses appétits naturels. Au huitième livre de Tom Jones, je crois,

  1. Trait de M. Bernard, conseiller à la cour royale de Grenoble. (Note de l’exemplaire Primoli.)