Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/96

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agréables, et n’étaient grossiers que quand ils le voulaient bien. Pour un homme bien né, être grossier c’est comme parler une langue étrangère, qu’il a fallu apprendre et qu’on ne parle jamais avec aisance. Que de gens haut placés parlent cette langue aujourd’hui avec une rare facilité !

J’ai fait dix lieues cet après-midi avec un gentilhomme de ma connaissance qui habite une belle terre, et augmente rapidement sa fortune par des opérations assez voisines du commerce. Quand il a été animé par deux heures de discussions, qui malgré mes soins retombaient toujours dans la politique, il a fini par me dire :

« Je diviserais nos amis qui vivent à la campagne en deux classes : les abonnés de la Quotidienne et ceux de la Gazette de France. Il faut l’avouer, la Gazette n’est pas comprise à plus de vingt lieues de Paris ; il y a des jours où elle leur semble entachée de traîtrise, etc., etc. »

Voici un dialogue historique entre un chef de division d’une grande préfecture[1] et un maire de campagne, que M. de N… m’a raconté, mais qu’en sa qualité d’homme d’esprit il a sans doute embelli.

  1. L’édition originale avait imprimé par prudence : une grande préfecture de Hollande. L’erratum de l’exemplaire Primoli indique de supprimer cette mention de pays ; indication suivie par l’édition de 1854. N. D. L. É.