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filosofia nova

Lorsqu’un homme a observé assez souvent que les mêmes causes antécédentes sont suivies des mêmes conséquences, pour que toutes les fois qu’il voit l’antécédent il s’attende à voir la conséquence ; ou que lorsqu’il voit la conséquence il compte qu’il y a eu le même antécédent, alors il dit que l’antécédent et le conséquent sont des signes l’un et l’autre. C’est ainsi qu’il dit que les nuages sont des signes de la pluie qui doit venir, et que la pluie est un signe des nuages passés.

C’est dans la connaissance de ces signes acquise par l’expérience que l’on fait consister ordinairement la différence entre un homme et un autre homme relativement à la sagesse, nom par lequel on désigne ordinairement la somme totale de l’habileté ou la faculté de connaître (ce que je nomme tête dans la Filosofîa nova). Mais c’est une erreur car les signes ne sont que des conjectures ; leur certitude augmente et diminue suivant qu’ils ont moins ou plus souvent manqué. Ils ne sont jamais pleinement sûrs. Quoiqu’un homme ait vu jusqu’ici constamment le jour et la nuit se succéder, cependant il n’est pas pour cela en droit de conclure qu’ils se succéderont toujours de même, ou qu’ils se sont ainsi succédé de toute éternité. L’expérience ne fournit aucune conclusion cer-