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filosofia nova

précaution et de manière à se bien rappeler toutes les circonstances des expériences qui ont fourni ces signes, ou que les cas qui ont de la ressemblance ne sont pas toujours les mêmes.

Comme dans les conjectures que l’on forme sur une chose passée ou future, la prudence exige que l’on conclue d’après l’expérience, sur ce qui arrivera ou sur ce qui est arrivé, c’est une erreur d’en inférer le nom qu’on doit donner à la chose.

C’est-à-dire nous ne pouvons pas conclure d’après l’expérience qu’une chose doit être appelée juste ou injuste, vraie ou fausse, ou généraliser aucune proposition, à moins qu’elle ne soit d’après le souvenir de l’usage des noms que les hommes ont arbitrairement imposés.

Par exemple, avoir vu rendre mille fois un même jugement dans un cas pareil ne suffit pas pour en conclure qu’un jugement est juste quoique la plupart des hommes n’aient pas d’autres règles[1], mais pour tirer une telle conclusion il faut à l’aide d’un grand nombre d’expériences découvrir ce que les hommes entendent par juste ou injuste.

De plus pour bien conclure d’après l’expérience il y a une autre précaution à

  1. Ridicule général. Exemple l’huissier d’un tribunal croit le tribunal infaillible.