Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
pensées

sont de deux sortes : on pourra me siffler ou me mettre au Temple. Les traits que je ferai représenter paraîtront trop forts, charge invraisemblable, ou le gouvernement, voyant ma morale trop excellente et renversant les erreurs sur lesquelles il se fonde, me punira.

Qui ne méprise pas souverainement les sifflets du jour et un emprisonnement passager doit renoncer à faire des comédies. J’ai devant moi pour me soutenir l’exemple sublime du Tartufe, où Molière a bien osé mettre les propres paroles de Jésus-Christ : « O ciel, pardonne-lui comme je lui pardonne », et cette pièce est la plus belle comédie qui existe et son plus beau titre à la gloire.

Tracer mes caractères avec la plus grande hardiesse, les faire parler de la manière la plus vigoureuse (dans leur caractère, s’entend). Ce n’est qu’ainsi, en méprisant les avis de tous les esprits vulgaires, que j’atteindrai au maximum de force et d’intérêt, quitte après tout pour faire imprimer mes pièces si on ne veut pas les jouer.

*

Ne pas me laisser dominer surtout[1] par cette idée servile que répètent tant les

  1. 6 thermidor XII.