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pensées

gnat. Elle agit toujours, comme le reste des hommes, pour son plus grand bonheur, mais son plus grand bonheur est à procurer le plus grand possible aux autres.

(Cette doctrine si vraie et si douce doit charmer nella filosofia nova.)

*

On n’est aimable aux yeux des gens que lorsque somme toute on leur procure plus de plaisir que ceux avec qui ils vous comparent.

Voilà ce que c’est qu’aimable, et pourquoi l’homme qui sous prétexte qu’il nous rendra de grands services nous blesse à chaque instant, nous fait fuir. Par exemple, supposons-nous un oncle très riche ; excellent homme au fond, qui nous fera ses héritiers, mais qui nous procure le plus de désagrément qu’il soit en lui à chacune des petites actions qui composent les trois quarts de nos journées.

Cet homme nous vexe, sa mort nous charme. Supposons à sa place un parfait égoïste, dans les actions essentielles, mais qui aurait l’habitude de nous plaire le plus possible à chaque petit événement de la vie. Que cet homme meure en nous laissant également son bien, nous le pleurerons longtemps, (tant qu’avec son argent