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filosofia nova

j’étais dans l’an X. Jean-Jacques m’y avait mis. Voilà donc l’effet de ce ton sur une âme très sensible. Dire cette vérité dans quelque coin de mes pièces.

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Je viens de lire une des Contemporaines de Restif, certainement la passion y parle et avec chaleur. Malgré cela j’aurais laissé cinq ou six fois le livre à des traits de mauvais ton, si je ne désirais pas connaître les passions avant toutes choses. Il faut donc, lorsqu’on peint les passions, les montrer dans des êtres où tout ce qui ne tient pas à la passion soit parfait. Autrement le dégoût fera tomber le livre des mains du lecteur. Il faut peindre l’Apollon du Belvédère dans les bras de la Vénus de Médicis, dans les plus délicieux jardins des environs de Naples, et non un gros Hollandais sur sa Hollandaise dans un sale entresol. Les degrés de passion sont les mêmes, voyez l’effet. C’est ce deuxième mérite que ne peut pas atteindre le peintre qui ne vit pas dans le monde, il peindra bien la force de la passion, mais l’élégance, qui jointe à la passion complète le ravissement, lui manquera toujours. C’est cette divine élégance qui règne dans la deuxième églogue de Virgile.