Page:Stendhal - Promenades dans Rome, I, Lévy, 1853.djvu/18

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Le souverain de ce pays jouit du pouvoir politique le plus absolu, et en même temps il dirige ses sujets dans l’affaire la plus importante de leur vie, celle du salut.

Ce souverain n’a point été prince durant sa jeunesse. Pendant les cinquante premières années de sa vie, il a fait la cour à des personnages plus puissants que lui. En général, il n’arrive aux affaires qu’au moment où ailleurs on les quitte, vers soixante-dix ans.

Un courtisan du pape a toujours l’espoir de remplacer son maître, circonstance que l’on n’observe pas dans les autres cours. Un courtisan, à Rome, ne cherche pas seulement à plaire au pape, comme un chambellan allemand veut plaire à son prince, il désire encore obtenir sa bénédiction. Par une indulgence in articulo mortis, le souverain de Rome peut faire le bonheur éternel de son chambellan ; cela n’est point une plaisanterie. Les Romains du dix-neuvième siècle ne sont pas des mécréants comme nous ; ils peuvent avoir des doutes sur la religion dans leur jeunesse ; mais on trouverait à Rome fort peu de deïstes. Il y en avait beaucoup avant Luther, et même des athées. Depuis ce grand homme, les papes, ayant eu peur, ont veillé sérieusement sur l’éducation. Le peuple de la campagne est tellement imbu de catholicisme, qu’à ses yeux rien dans la nature ne se fait sans miracle.

La grêle a toujours pour but de punir un voisin qui a négligé de parer de fleurs la croix qui est au coin de son champ. Une inondation est un avertissement d’en haut, destiné à remettre dans la bonne voie tout un pays. Une jeune fille meurt-elle de la fièvre au mois d’août, c’est un châtiment de ses galanteries. Le curé a soin de le dire à chacun de ses paroissiens.

Cette superstition profonde des gens de la campagne se communique aux classes élevées, par les nourrices, les bonnes, les domestiques de toute espèce. Un jeune marchesino romain