Page:Stendhal - Racine et Shakespeare, Lévy, 1854.djvu/182

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chapeau à plumet sous le bras. J’aurais eu un toupet carré, à cinq pointes dessinées sur le front ; j'aurais été poudré à frimas, avec de la poudre blanche par-dessus de la poudre grise ; deux rangs de boucles eussent, de chaque côté, relevé ma coiffure ; et, par derrière, ils eussent fait place à une belle bourse de taffetas noir. Je conviens avec Votre Altesse que cette coiffure n’est pas primitive, mais elle est éminemment aristocratique, et, par conséquent, sociale. Quelque froid qu’il fît, par le vent de bise et la gelée, j’eusse traversé les Tuileries en bas de soie blancs avec des souliers de peau de chèvre. Une petite épée ornée d’un nœud de rubans et d’une dragonne, parce que j’étais colonel, à dix-huit ans, m’eût battu dans les jambes, et j’aurais caché mes mains, ornées de manchettes de longues dentelles, dans un gros manchon de renard bleu. Une légère douillette de taffetas, simplement jetée sur ma personne, aurait eu l’air de me défendre du froid, et je l’aurais cru moi-même[1]. »

Je crains bien qu’en fait de musique, de peinture, de tragédie, ces Français-là et nous, nous ne soyons à jamais inintelligibles les uns pour les autres.

Il y a des classiques qui, ne sachant pas le grec, s’enferment au verrou pour lire Homère en français, et même en français ils trouvent sublime ce grand peintre des temps sauvages. En tête des dialogues si vrais et si passionnés qui forment la partie la plus entraînante des poé-

  1. Le Masque de Fer, page 150.