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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/76

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ROMANS ET NOUVELLES

me regardait sans cesse en faisant ses tours à cheval. Un jour, en passant sous ma loge, d’où mon mari venait de sortir, il dit en catalan : « Je suis un capitaine de l’armée du Marquesito, et je vous adore. »

» Être aimée d’un faiseur de tours ! quelle horreur, monsieur ! et une infamie plus grande était d’y pouvoir penser sans horreur. Les jours suivants, je pris sur moi de ne pas mettre les pieds au spectacle. Que vous dirai-je, monsieur ? j’étais fort malheureuse. Un jour ma femme de chambre me dit : « M. Ferrandez est sorti, je vous supplie, madame, de lire ce papier. » Et elle se sauva en fermant la porte à la clef. C’était une lettre fort tendre de Mayral ; il me faisait l’histoire de sa vie ; il disait être un pauvre officier forcé par le plus affreux dénûment à faire un métier qu’il m’offrait d’abandonner pour moi. Son vrai nom était don Rodrigue Pimentel. Je retournai au spectacle. Peu à peu je crus aux malheurs de Mayral, je reçus ses lettres avec plaisir. Hélas ! je finis par lui répondre. Je l’ai aimé avec passion, et une passion, ajouta doña Léonor en fondant en larmes, que rien n’a pu éteindre, pas même les plus tristes découvertes… Bientôt je cédai à ses prières, et désirai autant que lui l’occasion de lui parler. J’eus cependant un soupçon dès cette