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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/89

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LE PHILTRE

quement, et, une heure après, est revenu avec un de ses camarades. J’ai été obligée de me défendre ; la lutte a été sérieuse : peut-être en voulaient-ils à ma vie, tout en prétendant autre chose. Ils m’ont pris quelques petits bijoux et ma bourse. Enfin j’ai pu gagner la porte de la maison ; mais, sans vous, monsieur, probablement ils m’auraient poursuivie dans la rue.

Plus Liéven voyait Léonor forcenée d’amour pour Mayral, plus il l’adorait. Elle pleura beaucoup ; il lui baisait la main. Comme il lui parlait à mots couverts de son amour :

— Croiriez-vous, mon véritable ami, lui dit-elle quelques jours après, que je me figure que, si je pouvais prouver à Mayral que jamais je n’ai cherché à le prendre pour dupe et à me moquer de lui, peut-être il m’aimerait ?

— J’ai bien peu d’argent, reprit Liéven, l’ennui m’a fait joueur ; mais peut-être le banquier auquel mon père m’a recommandé à Bordeaux ne me refusera pas quinze ou vingt louis, si je vais le supplier ; je m’en vais tout faire, même des bassesses : avec cet argent, vous pourrez partir pour Paris.

Léonor lui sauta au cou.

— Grand Dieu ! que ne puis-je vous