Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/123

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Pesaro, 2 juin. — Je visite les jardins du comte Mosca avec les fils du marquis B***. Un jeune Français élevé à Paris dans les meilleures maisons d’éducation, y trouve de bons professeurs qui l’introduisent dans les sciences, à la suite des savants de Paris et de Londres, qui sont les premiers du monde. Il apprend la chimie avec Davy, l’économie politique avec Say, l’art de penser avec Tracy ; mais il pense beaucoup à sa cravate. Entre-t-il enfin dans le monde, sa grande affaire est d’avoir de l’esprit. Il lit et oublie mille volumes, et, au bout de deux ou trois ans, prend un état. Un jeune Italien est élevé dans quelque collège superstitieux avec les livres du seizième siècle. Il sort de la société des prêtres, sauvage, silencieux, souverainement défiant. Pendant deux à trois ans, il travaille beaucoup ; mais, au lieu de lire Delolme ou Montesquieu, il lit Vico ou tel autre auteur suranné. En économie politique, il en est encore à Condillac ; ainsi de tout. Au bout de deux ou trois ans, il devient cavalier servant ; l’amour, la jalousie, les passions s’emparent de lui, et de sa vie il ne rouvre un volume. Charmante société