Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/131

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qui règne dans le Milanais ; en France, c’est le rire. La vanité donne une tendance générale à la plaisanterie ; le paysan français fait des plaisanteries, même tout seul, et il s’en amuse ; mais l’envie gâte tout.

Cependant, je crois la France le pays le plus heureux de l’Europe : c’est-à-dire on y a tout le matériel du bonheur ; le règne des partis empêche peut-être un peu de le sentir. Je souhaiterais aux Français la bonhomie de la Lombardie.

Le grand trait du bonheur de la France, c’est que l’industrie y est bien et sûrement récompensée. En Italie, un manufacturier élève un bâtiment, achète des ustensiles, met dehors un capital considérable, c’est autant de prise qu’il donne au pacha voisin : il en est plus esclave ; il faut qu’à tout prix il se mette bien avec le pacha. L’Italie, n’ayant presque pas eu de domaines nationaux, n’a pas, comme la France, à s’enorgueillir du bonheur de dix millions de paysans heureux, parce qu’ils sont petits propriétaires. Le peuple de France est déjà arrivé à une conséquence ; quand un homme obtient une place, la première question est : Qu’a-t-il fait pour la mériter ? La loi sur les élections, loi sublime qui est un grand pas vers ce que le gouvernement d’un pays