Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/148

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de terre qu’on appelle le Lido, qui sépare la grande mer de la lagune, et contre laquelle la mer se brise avec un mugissement sourd ; une ligne brillante dessine le sommet de chaque vague ; une belle lune jette sa paisible lumière sur ce spectacle tranquille ; l’air est si pur que j’aperçois la mâture des vaisseaux qui sont à Malamocco, dans la grande mer, et cette vue si romantique se trouve dans la ville la plus civilisée. Que j’abhorre Buonaparte de l’avoir sacrifiée à l’Autriche ! — En douze minutes, ma gondole me fait longer toute la riva dei Schiavoni, et me jette sur la Piazzetta, au pied du lion de Saint-Marc. — Venise était plus sur le chemin de la civilisation que Londres et Paris. Aujourd’hui, il y a cinquante mille pauvres. On offre le palais Vendramin, sur le grand canal, pour mille louis. Il en a coûté à bâtir vingt-cinq mille, et en valait encore dix mille en 1794.

Où trouver ailleurs qu’à Venise des gens comme Giacomo Le *** ? Cette société me plaît trop, je suis malheureux. Les plus brillants salons de Paris sont bien insipides et bien secs comparés à la société de madame Benzoni. Cela est vrai pour moi, et serait probablement très-faux pour les trois quarts de mes amis de Paris. Plus on est aimable, moins on sent la