Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/158

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comprennent pas mot, et les convertissant par milliers. De nos jours, Kant a recommencé ce miracle.

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Je rencontre à Venise, chez lady B***, une jeune anglaise, héritière de huit cent mille livres de rente, qui est partie toute seule de Londres pour venir ici voir son père. Un de ses tuteurs s’est opposé à une idée si singulière ; l’autre, par respect pour la liberté, lui a remis mille guinées qu’elle a placées en or effectif dans son sac à ouvrage. Elle a pris des habits fort simples, et toute seule, sans savoir dix mots de français, est montée dans la diligence. De diligence en diligence, et toujours toute seule, elle est arrivée à Venise, d’où son père s’était embarqué trois jours auparavant pour Constantinople. Tant de tendresse filiale méritait un plus heureux hasard. Elle a écrit à son père pour lui demander la permission d’aller le joindre. C’est une personne assez jolie et de la plus admirable simplicité ; j’ai eu un vrai plaisir à faire la conversation avec elle. Cette course exige plus de courage que pour un homme faire deux ou trois fois le tour du monde. J’indique cette jeune Anglaise à nos beaux de Paris ;