Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/38

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Mais Canova est trop grand pour qu’il n’y ait pas un parti contraire. Il a, par exemple, le malheur de déplaire fort à tous les jeunes artistes français. Il a eu la bonté de me montrer la gravure d’un tableau qu’il a peint pour l’église du village où il est né (Possagno, 1757). Non-seulement il a inventé un nouveau beau idéal pour la figure de l’Être suprême qui n’est plus un vieillard, mais il a trouvé un moyen singulier et juste d’exprimer son immensité. Ce moyen est trop long à décrire ; je vais me coucher : achetez l’estampe.

Encore une idée que je me reproche depuis longtemps de ne pas écrire. Notre fatuité ne connaît nullement les anciens. Indécence unique d’un tombeau dans la cour des Studj : un sacrifice à Priape sur un tombeau ! Autres exemples : le Faune et le jeune Joueur de flûte, le Faune et la Chèvre qui revient de Palerme, où il gît emballé avec les tableaux du Corrège depuis seize ans. Il n’y a rien de plaisant comme tous nos raisonnements sur les anciens et leurs arts. Comme nous ne lisons que de plates traductions, rognées par la censure, nous ne voyons pas que chez eux le nu obtenait un culte : parmi nous il repousse. Le vulgaire, en France, ne donne le titre de beau qu’à ce qui est