Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/80

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du grand homme. Tout ce que nous avons trouvé de lui, ce sont ses madones avec leurs beaux yeux si tendres, qui courent, les rues déguisées en jeunes paysannes. Je me suis aperçu que je passe à Bologne pour souverainement illibéral. La chute du tyran n’a pas valu à l’Italie notre admirable constitution de 1814, chef-d’œuvre de génie et de bonté dont les nations étrangères savent admirer l’auteur, mais le rétablissement de toutes les vieilleries. Voilà pourquoi l’homme souverainement dissimulé, qui abhorrait tant la liberté qu’il n’a pas su se parer de ses couleurs, même lorsqu’elle était son seul moyen de salut, trouve encore des partisans en Italie, parmi les amants passionnés de cette liberté : les Italiens d’une certaine portée m’ont souvent répété que les plus bas des hommes étaient les gens de lettres[1]. Ils partent de là pour négliger tous les livres et l’étude du mécanisme de la liberté. Ils s’imaginent qu’un ange la leur apportera un beau matin.

Beaucoup de jeunes gens, voyant la chambre des pairs d’Angleterre appuyer aveuglément le ministère qui s’est moqué d’eux à Gênes, rêvent encore à la répu-

  1. Cela n’est pas exact : ce sont les houzards de la liberté ; ils sont tous les jours au feu, il faut bien qu’ils reculent quelquefois.