Page:Stendhal - Vie de Henri Brulard, I, 1927, éd. Martineau.djvu/47

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qu’on saute les feuillets de ce jésuite de Marmontel qui pourtant prend toutes les précautions possibles pour ne pas déplaire, en véritable Académicien. J’ai refusé d’acheter ses mémoires à Livourne, à vingt sous le volume, moi qui adore ce genre d’écrits.

Mais combien ne faut-il pas de précautions pour ne pas mentir !

Par exemple au commencement du premier chapitre, il y a une chose qui peut sembler une hâblerie : non, mon lecteur, je n’étais point soldat à Wagram en 1809.

Il faut que vous sachiez que quarante-cinq ans avant vous il était de mode d’avoir été soldat sous Napoléon. C’est donc aujourd’hui, 1835, un mensonge tout à fait digne d’être écrit que de faire entendre indirectement et sans mensonge absolu (jesuitico more), qu’on a été soldat à Wagram.

Le fait est que j’ai été maréchal des logis et sous-lieutenant au 6e dragons, à l’arrivée de ce régiment en Italie, mai 1800, je crois, et que je donnai ma démission à l’époque de la petite paix de 1803. J’étais ennuyé à l’excès de mes camarades, et ne trouvais rien de si doux que de vivre à Paris, en philosophe, c’était le mot dont je me servais alors avec moi-même,