Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/105

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« Napoléon s’arrêta, continue Warden, je répliquai : « On peut convenir avec vous, général, qu’à cette époque de votre histoire, des mesures sévères étaient indispensables, mais personne, je pense, n’entreprendra de justifier la manière précipitée avec laquelle le Jeune duc d’Enghien fut enlevé, jugé et exécuté. » Il répondit avec feu : « Je suis justifié dans ma propre opinion et je répète la déclaration que j’ai déjà faite, que j’aurais ordonné avec le même sang-froid l’exécution de Louis IX[1]. Pourquoi entreprenait-on de m’assassiner ? Depuis quand est-ce qu’on ne peut pas tirer sur l’assassin qui fait feu sur vous ? J’affirme avec la même solennité qu’aucun message, qu’aucune lettre du duc d’Enghien ne me parvint après sa condamnation. »

M. Warden ajoute : « On dit qu’il existe entre les mains de Talleyrand une lettre adressée à Napoléon par le jeune prince, mais que ce ministre prit sur lui de ne la remettre que lorsque la main qui l’avait écrite était déjà glacée par la mort. J’ai vu une copie de cette lettre dans les mains du comte Las Cases. Il me la montra froidement, comme faisant partie de la masse des documents secrets qui pourront prou-

  1. Il s’agit ici de Louis XVIII. N. D. L. É.