Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/144

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la postérité sera plus touchée du tort fait à l’Espagne que du tort fait à ses prétendus maîtres. Il y a l’exemple de la Norvège.


Les libellistes accusent Napoléon de trop mépriser les hommes. Ici nous le voyons commettre une grande faute parce qu’il a trop d’estime pour les Espagnols. Il oublie que les fiers Castillans avilis d’abord par Charles-Quint, sont gouvernés, depuis ce célèbre empereur, par le plus lâche de tous les despotismes.

M. d’Urquijo dit dans sa lettre au général La Cuesta : « Par malheur depuis Charles-Quint, la nation n’existe plus, parce qu’il n’y a point réellement de corps qui la représente, ni d’intérêt commun qui la réunisse vers un même but. Notre Espagne est un édifice gothique composé de pièces et de morceaux avec presque autant de privilèges, de législations, de coutumes et d’intérêts qu’il y a de provinces. L’esprit public n’existe point. »

Depuis quinze ans, la monarchie d’Espagne avait atteint un degré de ridicule inouï dans les annales des cours les plus avilies. L’aristocratie des nobles et des prêtres, qui seule peut faire le brillant de la monarchie, s’y laissait bafouer comme