Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/243

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la religion ; et, comme il est exercé par le plus doux et le plus aimable des hommes, il ne choque que quelques têtes philosophiques qui vont voyager. Les soldats russes ne remuent pas avec des proclamations ou des croix, mais par l’ordre de saint Nicolas. Le général Masséna racontait devant moi qu’un Russe, qui voit tomber son camarade, persuadé qu’il va ressusciter dans son pays, se penche vers lui pour lui recommander de donner de ses nouvelles à sa mère. La Russie, comme les Romains[1], a des soldats superstitieux, commandés par des officiers aussi civilisés que nous[2].

Napoléon sentait bien que le courant des siècles venait de changer de direction lorsqu’il disait à Varsovie : « Du sublime au ridicule il n’est qu’un pas », mais il ajoutait : « Le succès donnera de la témérité aux Russes ; je leur livrerai deux ou trois batailles entre l’Elbe et l’Oder, et, dans six mois, je serai encore sur le Niémen. »

Les batailles de Lutzen et de Wurtschen furent le dernier effort d’un grand peuple dont le cœur est dévoré par la découra-

  1. Montesquieu : Religion des Romains.
  2. Voir le pamphlet de sir Robert Wilson, 1817. En 1810 et 1811, le ministre de la guerre russe faisait traduire et mettre en pratique toutes les ordonnances militaires de Napoléon.