Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/120

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instruments qui composaient son orchestre. Dès que son imagination lui fournissait un passage, un accord, un simple trait, il voyait sur-le-champ par quel instrument il devait le faire exécuter pour qu’il produisît l’effet le plus sonore et le plus agréable. Avait-il quelque doute en composant une symphonie ? la place qu’il occupait à Ëisenstadt lui donnait un moyen facile de l’éclaircir. Il sonnait de la manière convenue pour annoncer une répétition ; les musiciens se rendaient au foyer. Il leur faisait exécuter de deux ou trois manières différentes le passage qu’il avait dans la tête, choisissait, les congédiait, et rentrait pour continuer son travail.

Rappelez-vous, mon cher Louis, la scène d’Oreste dans l’Iphigénie en Tauride, de Gluck. L’effet étonnant des passages exécutés par les violes agitées eût disparu si l’on eût donné ces passages à un autre instrument.

On trouve souvent chez Haydn de singulières modulations ; mais il sentait que l’extravagant éloigne de l’âme de l’auditeur la sensation du beau, et il ne hasarde jamais un changement un peu singulier sans l’avoir préparé imperceptiblement par les accords précédents. Ainsi, au moment où ce changement arrive, vous