Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/394

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presque le seul Opéra qu’il y ait, dans cette saison, en Italie. Pour un Opéra de campagne, il est assez passable : ce n’est pas qu’il y ait ni chœurs, ni danses, ni poëmes supportables, ni acteurs ; mais les airs italiens sont d’une telle beauté qu’ils ne laissent plus rien à désirer dans le monde quand on les entend. Surtout il y a un bouffon et une actrice bouffe qui jouent une farce dans les entr’actes, d’un naturel et d’une expression comiques qui ne se peuvent ni payer ni imaginer. Il n’est pas vrai qu’on puisse mourir de rire, car, à coup sûr, j’en serais mort, malgré le déplaisir que je ressentais de l’épanouissement de ma rate, qui m’empêchait de sentir, autant que je l’aurais voulu, la musique céleste de cette farce. La musique est de Pergolèse. J’ai acheté, sur le pupitre, la partition originale, que je veux porter en France. Au reste, les dames se mettent là fort à l’aise, causent, ou, pour mieux dire, crient d’une loge à celle qui est vis-à-vis, se lèvent en pied, battent des mains, en criant : bravo ! bravo ! Pour les hommes, ils sont plus modérés : quand un acte est fini, et qu’il leur a plu, ils se contentent de hurler jusqu’à ce qu’on le recommence ; après quoi, sur le minuit, quand l’opéra est fini, on s’en retourne chez soi, en partie carrée de madame de Bouillon, à moins que