Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/42

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ses yeux, son visage se ranime, sa voix s’éclaircit, il reconnaît son hôte, et lui parle de ses premières années, dont il se souvient bien mieux que des dernières : vous croyez que l’artiste existe encore ; mais bientôt il retombe à vos yeux dans son état habituel de léthargie et de tristesse.

Ce Haydn tout de feu, plein de fécondité, si original, qui, assis à son piano, créait des merveilles musicales, et, en peu de moments, enflammait tous les cœurs, transportait toutes les âmes au milieu de sensations délicieuses ; ce Haydn a disparu du monde. Le papillon dont Platon nous parle a déployé vers le ciel ses ailes brillantes, et n’a laissé ici-bas que la larve grossière sous laquelle il paraissait à nos yeux.

Je vais de temps en temps visiter ces restes chéris d’un grand homme, remuer ces cendres encore chaudes du feu d’Apollon ; et si je parviens à y découvrir quelque étincelle qui ne soit pas tout à fait éteinte, je sors l’âme pleine d’émotion et de tristesse. Voilà donc ce qui reste d’un des plus grands génies qui aient existé !

Cadono le cità, cadono i regni
E l’uom d’esser mortate, par che si sdegni.

Tasso, c. ii.