Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/70

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tout le monde admire. Pour moi, je voudrais, mon cher ami, que tous les cours de littérature fussent au fond de l’Océan : ils apprennent aux gens médiocres à faire des ouvrages sans fautes, et leur naturel les leur fait produire sans beautés. Il nous faut ensuite essuyer tous ces malheureux essais : notre amour pour les arts en est diminué tandis que le manque de leçons n’arrêtera certainement pas un homme fait pour aller au grand : voyez Shakspeare, voyez Cervantes ; c’est aussi l’histoire de notre Haydn. Un maître lui eût fait éviter quelques-unes des fautes dans lesquelles il tomba dans la suite en écrivant pour l’église et pour le théâtre ; mais certainement il eût été moins original. L’homme de génie est celui-là seulement qui trouve une si douce jouissance à exercer son art, qu’il travaille malgré tous les obstacles. Mettez des digues à ces torrents, celui qui doit devenir un fleuve fameux saura bien les renverser.

Comme Jean-Jacques, il acheta chez un bouquiniste des livres de théorie, entre autres le Traité de Fux, et se mit à l’étudier avec une opiniâtreté que l’effroyable obscurité de ces règles ne put rebuter. Travaillant seul et sans maître, il fit une infinité de petites découvertes dont il se servit par la suite. Pauvre, grelottant de