Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/149

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père avait disparu pour un temps, mais qu’il vivait mystérieusement quelque part et qu’il allait revenir. Puis, accablée par un tel effort de résistance à la trop certaine vérité, ma pensée s’était affaissée. Je demeurais morne, inerte, presque insensible… L’espérance de retrouver mon père dans une autre vie ne s’offrait pas à moi. Elle ne m’était pas naturelle apparemment, car, plus tard, au temps de ma plus vive ferveur et de ma plus grande foi catholique, jamais elle n’agit sur ma douleur, jamais elle n’en détourna le cours. Mon instinct germanique répugnait à se figurer la personne humaine renaissant ailleurs sous les mêmes formes et dans les mêmes conditions qu’ici-bas. Je n’ai jamais pu me représenter nos affections terrestres se perpétuant dans une vie future, en dehors de tous les modes de notre existence présente ; nos joies exemptes de douleurs, nos tendresses sans déchirements, notre activité sans défaillance, toute notre manière d’être enfin, de sentir, de penser et d’agir, transportée dans une autre sphère que le globe où nous sommes nés ! La réponse de Guillaume de Humboldt à une amie qui le pressait de s’expliquer sur eette inquiétude d’une autre vie, qui jamais ne nous quitte et jamais ne s’apaise en nous, est la seule que je pourrais et voudrais faire à moi et aux autres, dans toute la sincérité de ma conscience et de ma raison :

« Je crois à une (Jurée dans l’avenir, je regarde un