Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/229

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femme, ou tout au moins la femme d’un âge très-mûr, jouait dans les affaires matrimoniales un rôle actif. La Parisienne surtout, d’un naturel officieux et ingénieux, trouvant un accroissement d’importance dans la réussite d’un beau mariage, en faisait volontiers son affaire. Elle obligeait deux familles. Elle se créait des relations intimes. Elle passait son temps ainsi, grande difficulté à cet âge intermédiaire où la femme du monde n’est plus propre à la galanterie et n’a pas encore pris son parti de tomber, comme on disait alors, dans la haute dévotion, qui supplée à tout.

« D’ordinaire, la dame obligeante attirait l’attention d’un jeune homme ou de sa mère sur une famille où se trouvait une demoiselle à marier. Elle jetait en avant quelques chiffres au hasard, un héritage prochain, la description d’un château, par surcroît la bonne éducation de la jeune fille au Sacré-Cœur, etc. Si l’on ne repoussait pas de prime-abord l’idée d’une alliance, elle s’en allait incontinent trouver la mère de la demoiselle. Là, mêmes ouvertures , mêmes chiffres mensongers, ou tout au moins gonflés : un château également, un frère poitrinaire ; y avait-il duché-pairie, ou seulement pairie, on glissait sur tout le reste.

La pairie, sous la Restauration, c’était le rêve, l’ambition, l’ardente rivalité des familles ; elles en étaient éblouies et ne regardaient plus à rien d’autre.