Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/238

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La journée de la mariée appartenait aux curieux. ses pensées à tout le monde. Il fallait qu’elle subît, pendant tout un jour, les regards, les sourires, les équivoques, les mille quolibets qu’inspire à la gouaillerie française le divertissement du mariage. Il fallait qu’elle reçût tout en plein, à la soirée de ses noces, ce premier enseignement de frivolité, d’incrédulité, d’indécence et de raillerie qui, de génération en génération, perpétue chez nous la dérision du mariage ; il fallait qu’à minuit elle disparût avec son mari et sa mère, au milieu des chuchotements, des sourires goguenards. On ne voudra pas croire un jour que dans cette société si polie une pareille grossièreté de mœurs ait pu s’établir !…

Le lendemain matin, la coutume était que le marié et la mariée allassent ensemble à leur paroisse entendre la messe qu’on appelait « d’actions de grâces ». Huit jours après commençait la série des visites de noce, précédées ou suivies, selon que la cour se trouvait ou non à Paris, de la présentation au roi.

Pendant toute la première année de son mariage, la jeune femme n’allait pas dans le monde sans son mari, sa mère ou sa belle-mère. Mais ensuite, et du moment surtout qu’elle avait eu un enfant, elle entrait à cet égard dans une liberté parfaite, recevant, allant et venant, à sa guise, et sans offenser l’usage. Dans la société aristocratique de Paris, le mari, en