Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/373

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entretiens à deux, les tendres billets, les confidences, les rendez-vous à Saint-Roch, à l’Assomption, à Saint-Thomas d’Aquin, les soupirs et les repentirs, les rosaires et les scapulaires : tout un catholicisme de boudoir, tout un galimatias séraphique dont nos mères auraient bien ri. D’autre part, et comme pour faire contraste, en réaction sans doute contre le « comme il faut » trop monotone du faubourg Saint-Germain, il s’était produit après 1830, parmi les jeunes femmes, un dédain des bienséances de leur sexe, une recherche de l’excentricité tapageuse, qui, se rencontrant avec les premiers essais de clubs et de sport, avec l’invasion du cigare, avaient créé un type nouveau : la lionne. À l’imitation des héroïnes de George Sand, la lionne affecta de dédaigner les grâces féminines. Elle ne voulut ni plaire par sa beauté, ni charmer par son esprit, mais surprendre, étonner par ses audaces. Cavalière et chasseresse, cravache levée, botte éperonnée, fusil à l’épaule, cigare à la bouche, verre en main, toute impertinence et vacarme, la lionne prenait plaisir à défier, à déconcerter en ses extravagances un galant homme. Incompatible avec l’élégance tranquille des salons, elle les quitta. Le vide se fit à la place qu’elle avait dû occuper et personne ne se présenta pour le remplir[1].

  1. Qui leur donna, où prirent-elles ce nom de lionnes ? Je ne sais. Vers la fin du xvie siècle, une demoiselle Paulet, dont parle Tallemant des Réaux, l’avait porté, « à cause, dit-il, de l’ardeur