Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/408

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rendre sensible cet élément mystérieux dans plusieurs de ses fictions poétiques : Mignon et le joueur de harpe sont, selon son expression, des figures démoniaques, dämonische Gestalten. Le poëte polonais Miçkiewicz croyait, lui aussi, à cette puissance occulte qui réside en certains hommes et leur soumet l’esprit, le cœur et la volonté des autres. Croyant reconnaître chez moi à un certain degré cet élément mystérieux, il me disait un jour où nous avions beaucoup parlé de sa patrie, de la mienne, de leurs destinées futures, etc : « Si, vous et moi, nous fondions, dans un grand dessein, une association secrète, ne dût-il y avoir dans cette association que nous deux, ce serait un tel foyer d’électricité qu’il attirerait bientôt à soi les hommes de bonne volonté de tous les points du monde. »

Dans l’antiquité, l’emploi des mots daimon, daimonion, eudaimonion est très-fréquent. On le trouve dans Homère, Pindare, Thucydide, Eschyle, Aristophane, Pausanias, Xénophon, Démosthène ; dans les écoles de Pythagore et de Platon. Il a généralement le sens de puissance psychique, invisible, incorporelle, dont la nature tient le milieu entre les dieux et les héros, inférieure aux premiers, supérieure aux derniers, et qui peut leur être tantôt secourable — c’est l’agathodaimon, — tantôt défavorable — il se nomme alors alaslor daimon.

La croyance est universelle chez les anciens, que charpie homme, en venant au monde, y amène avec lui son bon et son mauvais démon. Le bon démon, l’agathodaimon a ses dévots, les agathodémoniastes ; on lui consacre un jour dans le mois ; on lui voue sa