Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’allois finir de lire le troisième acte lorsque le comte de B… entra, avec mon passeport à la main… M. le duc de C… me dit-il, est aussi bon prophète qu’il est grand homme d’état… Celui qui rit, dit-il, ne sera jamais dangereux. Pour tout autre que le bouffon du roi, je n’aurois pu l’avoir de plus de deux heures… Mais, M. le comte, lui dis-je, je ne suis pas le bouffon du roi… Mais vous êtes Yorick ? Oui… Et vous riez, vous plaisantez ? je ris, je plaisante ; mais je ne suis point payé pour cela… C’est toujours à mes propres frais que je m’amuse…

Nous n’avons pas, M. le comte, de bouffons à la cour ; le dernier que nous eûmes parut sous le règne licencieux de Charles II. Nos mœurs depuis ce temps se sont si épurées ; nos grands seigneurs sont si désintéressés, qu’ils ne désirent plus rien que les honneurs et la richesse de leur patrie ; nos dames sont toutes si modestes, si réservées, si chastes, si dévotes… Ah ! M. le comte, un bouffon n’auroit pas un seul trait de raillerie à décocher…

Oh ! pour cela, s’écria-t-il, voilà du persifflage.