Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/196

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main en guise de chevet… Il y avoit une petite table tout auprès du lit, et sur la petite table, une chandelle qui éclairoit tout l’appartement. On avoit placé la seule chaise qu’il y eût près de la table, et le notaire s’y assit. Il tira de sa poche une écritoire et une feuille ou deux de papier qu’il mit sur la table… Il exprima du coton de son cornet un p€u d’encre avec sa plume, et, la tête baissée au-dessus de son papier, il attendoit, d’une oreille attentive, que le gentilhomme lui dictât son testament.

Hélas ! M. le notaire, dit le gentilhomme, je n’ai rien à donner qui puisse seulement payer les frais de mon testament, si ce n’est mon histoire… Et je vous avoue que je ne mourrois pas tranquillement, si je ne l’avois léguée au public… Je vous lègue à vous, qui allez l’écrire, les profits qui pourront vous en revenir...... C’est une histoire si extraordinaire, que tout le genre humain la lira avec avidité. Elle fera la fortune de votre maison....... Le notaire, dont l’encre étoit séchée, en puisa encore comme il put. Puissant directeur de tous les événemens de ma vie ! s’écria le vieux gentilhomme en levant les yeux et les mains vers le ciel ; ô toi dont la main m’a conduit, à travers