Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame de V… chanceloit entre les deux époques ; ses roses commençoient à se faner, et il y avoit cinq ans au moins, quand je lui rendis ma première visite, qu’elle devoit pencher vers le déisme.

Elle me fit placer sur le sofa où elle étoit, afin de parler plus commodément et de plus près sur la religion ; nous n’avions pas causé quatre minutes, qu’elle me dit : pour moi je ne crois à rien du tout.

Il se peut, Madame, que ce soit votre principe ; mais je suis sûr qu’il n’est pas de votre intérêt de détruire des ouvrages extérieurs aussi puissans. Une citadelle ne résiste guères quand elle en est privée… Rien n’est si dangereux pour une beauté, que d’être déiste… et je dois cette dette à mon credo, de ne pas vous le cacher. Hé ! bon Dieu, Madame, quels ne sont pas vos périls ! il n’y a que quatre ou cinq minutes que je suis auprès de vous et j’ai déjà formé des desseins : qui sait si je n’aurois pas tenté de les suivre, si je n’avois été persuadé que les sentimens de votre religion seroient un obstacle à leur succès ?

Nous ne sommes pas des diamant, lui dis-je en lui prenant la main ; il nous faut des contraintes jusqu’à ce que l’âge s’appe-