Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/432

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et ne laisse aucune trace de son passage. Arrête-toi, Semeï, c’est son protecteur, ton ami, ton bienfaiteur, c’est l’homme, qui t’a élevé de dessus le fumier ; tout cela est égal pour Semeï.

Semeï est le baromètre de la fortune des hommes, il en marque l’élévation ou la chute, avec toutes ses variations graduelles, depuis la chaleur la plus brûlante jusques au froid le plus perçant. Un nuage s’étend-il sur vos affaires ? voyez-le suspendu sur les sourcils de Semeï ? a-t-on parlé de vous sans succès au roi ou au général de l’armée ? ne consultez pas le calendrier de la cour, la vacance de votre dignité est écrite sur le visage de Semeï. Êtes-vous endetté, non pas envers Semeï, n’importe, le plus vil ministre de la loi n’est pas plus insolent.

Ô Semeï ! réponds-moi. Le crime de la pauvreté est-il si noir, si impardonnable, que tu doives toi et ta postérité te lever sans cesse pour le reprocher aux hommes ? quand tout est perdu pour elle, perd-elle aussi ses droits à la pitié publique ? celui qui fit le pauvre et le riche doit-il arracher de notre cœur cette vertu qui l’amollit et qui venge le monde ? ah ! tu n’as rien à me répondre. C’est le traitement cruel qu’on doit attendre