Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/459

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plus empressé sans doute de se réjouir de mon infortune que de me tendre sa main pour m’en délivrer. »

Ce monologue est naturel, mes frères, mais les actions de l’homme généreux et compatissant déconcertent tous les petits raisonnemens qu’elles occasionnent. La véritable charité, telle que l’Apôtre nous la décrit, va se manifester ici. À l’instant que le pieux Samaritain aperçut sa détresse, toutes les passions ennemies qui, dans un autre temps, se seroient élevées dans son cœur, s’en allèrent, l’abandonnèrent. Il oublia son inimitié, il déracina tous les préjugés que l’éducation avoit plantés et nourris en lui, et à leur place tout ce qui est bon éleva sa voix en faveur de l’infortuné.

Dans de tels caractères, les impulsions de la pitié sont si soudaines, qu’elles ressemblent à celles qu’on excite sur un instrument de musique obéissant à la touche ; les objets faits pour imprimer ce premier mouvement, font un effet si instantané, que l’on croiroit que la volonté n’y a aucune part, et que la sympathie émue par la bonté est simplement passive. L’ame en de telles occurences est tellement ravie et emportée, elle se pénètre si profondément de l’objet de la pitié,