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PIERRICHE.

— Ho ! Pierrot ! vite, mon vieux ! Jette-toi à l’eau et cours haler la vache, cria Madelon en coupant la corde d’un coup de faux, ce qui permit à Pierriche de retomber d’aplomb sur ses pieds, et Madelon frémissante, inquiète, ouvrant au large la porte de sa demeure, tomba face à face de Pierriche encore étourdi de sa chute et de sa suspension forcée, et restant immobile, hébété, la bouche béante devant sa femme qui le regardait avec étonnement, tandis que les enfants surpris regardaient tour à tour leurs parents et que le petit Benjamin, — comme s’il eût eu conscience de la scène solennelle qui allait se passer, — observait dans son berceau un silence profond digne des plus grands éloges.

Enfin Pierriche revenu à lui et ne pouvant plus contenir les larmes qui l’étouffaient, se jeta en pleurant dans les bras de Madelon.

— Madelinette, ma chère Madelinette, lui cria-t-il à travers ses pleurs, je suis un brigand, un scélérat, un sans-cœur !

— Mais non, mon bon Pierriche.

— Mais oui !… beuglait Pierriche, s’accusant de plus en plus à mesure que Madelon voulait le disculper ; je te le répète, je suis un sans-cœur ; je t’ai ruinée, ma pauvre Madelon… J’ai tué le goret d’un coup de pied, nous n’avons plus de bière d’épinette.

— Tout cela n’est rien, mon cher Pierriche !

— Bien oui, tu le vois, je suis un bon à rien, j’ai gaspillé notre farine, et j’ai cassé la patte du jars… Tu ne me pardonneras jamais tout cela.

— Eh ! bon Dieu, oui ! mon cher Pierriche, mon bon Pierriche, je te pardonne tout cela et je t’aime toujours autant que le premier jour de nos noces. Je t’assure que ce jour est le plus beau jour de ma vie !…

— Ah ! Madelinette ! ma chère Madelinette, jamais je ne me pardonnerai de t’avoir fait souffrir comme je t’ai