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FORTUNÉ BELLEHUMEUR.

Voici maintenant pour la température ; car il est tout-à-fait important de ne rien omettre, même dans un conte.

Nous déclarons donc solennellement que la soirée où s’ouvre cette histoire, il fait un temps affreux, abominable, une horreur de temps ; il fait, en un mot, une de ces effroyables tempêtes de neige qui donneraient à croire que la fin du monde est proche.

Avec votre permission, lecteur, nous allons, à l’instant, vous crayonner en quelques lignes, le portrait — d’après nature — de l’acteur principal des scènes comiques, drolatiques et très-véridiques qui vont suivre.

Il s’appelait Fortuné-Désiré-Honoré Bellehumeur dit Sans Chagrin.

D’une stature imposante, et carré à proportion, M. Fortuné Bellehumeur aurait figuré avec avantage au premier rang d’une de nos compagnies de milice. C’est assez dire qu’il était bel homme. Malheureusement l’ensemble de sa physionomie était quelque peu gâté par un nez pyramidal, gigantesque, impossible, couvrant une partie de son visage d’une ombre éternelle. Mais hâtons-nous de dire que ce léger défaut était racheté par un front large et élevé sur lequel croissait une forêt de cheveux longs et bien plantés, toujours soigneusement entretenus, et que M. Fortuné Bellehumeur se ramenait gracieusement au milieu du dos pour en former, suivant la mode d’alors, une queue invariablement ornée d’un ruban rose, avec une coquetterie toute féminine.

Je m’aperçois que je n’ai pas encore dit un seul mot des yeux de M. Fortuné, — ces deux miroirs de l’âme, suivant la psychologie.

M. Fortuné Bellehumeur avait les plus beaux yeux du monde, très vifs, pétillants d’esprit et de malice.