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PIERRE CARDON.

la communauté n’étaient pas lourdes ; le magot, en argent dur, ne représentant pas plus de cent piastres ; mais Martin était sobre, plein de santé, actif et travailleur ; de son côté, Catherine avait, au plus haut degré, l’intelligence du travail et de l’économie.

La première année de leur mariage, ils louèrent une modeste maison sur le bord du fleuve, et comme il importait avant tout, à un homme marié, d’avoir une position sociale, Martin qui avait toujours beaucoup aimé l’aviron et la grand’rivière, et qui de plus, possédait deux canots, se fit traversier.

Le surlendemain de leur installation en ménage, les curieux de l’endroit s’arrêtaient en face de sa demeure, pour lire l’enseigne suivante, tracée en grands caractères jaunes, sur un fond bleu de ciel, dont le milieu était orné d’un magnifique canot rouge, et que quatre clous tenaient en respect au-dessus de la porte d’entrée :


JEAN-BAPTISTE MARTIN, TRAVERSIER.
à toutes heures de jour et de nuit.


Les passagers ne se firent pas attendre, et la traverse prospéra si bien, que la saison suivante, Martin s’adjoignit un associé, sans toutefois faire changer un iota à son enseigne.

Sur ces entrefaites, la petite Martin vint au monde, et sa naissance causa tant de joie aux époux, que le jour même, l’heureux père acheta et paya en bel argent comptant, la belle maisonnette qu’il avait occupée jusqu’alors comme locataire.

— Notre petite Marie ne sera pas toujours sans dot, dit-il à sa femme, en lui donnant l’acte d’achat à serrer.

L’enfant avait atteint sa dixième année, et le bon Dieu ne leur en donnait pas d’autres, lorsque le père