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LES TROIS FRÈRES.

une absence de vingt ans. Or donc, nous allons, en un trait de plume, le faire embarquer à Calcutta, traverser deux océans, débarquer sans encombre à Marseilles, y prendre le convoi du soir, et descendre le lendemain à Paris, sain et sauf, sur les dix heures du matin, à l’Hôtel de son frère Alfred, où depuis tantôt deux mois Madame se livrait à une foule de conjectures sur son compte : est-il riche ? est-il pauvre ? va-t-il se loger ici ? quelle mine a-t-il ? etc., etc., et finalement ne se souciait guères de son arrivée.

Figurez-vous, lecteurs, un homme à figure énergique, au teint basané, accusant quarante-cinq environ, une longue-vue sous le bras qui lui donne l’air d’un capitaine au long cours, costume créole, un foulard des Indes roulé autour des tempes, sous son chapeau à larges bords, un foulard au cou, un foulard à la main gauche où brille un diamant qui peut valoir trente sous ou une fortune ; joignez à cela un accent méridional très prononcé, mêlé d’espagnol, de portugais, d’allemand et d’anglais ; entourez-le maintenant d’une cage contenant un perroquet, d’une autre contenant un singe et de plusieurs boîtes de cigares de la Havane, enfin, supposez cet homme qui de prime abord, vous semble très ordinaire et presque ridicule, aussi bien doué du côté du cœur que de l’esprit, et vous pourrez vous représenter parfaitement l’oncle Jules apparaissant pour la première fois dans le salon de sa fière et hautaine belle-sœur Madame Martin de la Martinière.