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PIERRE CARDON.

— Allons ! mes enfants I la rivière est belle, un petit tour sur l’eau ne vous fera pas de mal.

Bientôt le canot s’éloignait, bercé mollement sur la face tranquille du grand fleuve, et le bonhomme recommençait sa ballade, dont Pierre et Marie répétaient le refrain. Leurs voix se mariaient à la voix de la brise, au murmure du fleuve, et à ces milliers de soupirs vagues et indéfinis que l’oreille attentive perçoit dans le calme de nos belles nuits, et qui semblent, aux cœurs pieux, l’hymne du soir de la terre s’élevant vers le ciel.

Si le silence venait à régner dans le canot, soit que les heureux enfants s’oubliassent à regarder la lune et les myriades d’étoiles, soit que le rossignol fît entendre sa voix du haut des arbres qui miraient leur feuillage assombri dans la glace transparente des eaux, le bonhomme se plaisait à leur faire quelqu’une de ses niches qui ne manquaient jamais leur effet. Tantôt il frappait avec bruit, du plat de son aviron, la surface de l’eau, et faisait pleuvoir traitreusement sur ses compagnons silencieux, une averse de perles liquides. Quelquefois aussi, lorsqu’ils étaient au beau milieu de la rivière, il sautait lourdement sur son siège, et imprimait ainsi au canot des mouvements d’oscillation si imprévus et saccadés, que Marie en poussait des cris de terreur folle. La peur une fois passée, de joyeux éclats de rire, partant comme des fusées, allaient réveiller les échos d’alentour, et les chansons recommençaient de plus belle.



L’été ne dure pas toujours. C’est très fâcheux pour les pauvres gens et un peu pour tout le monde ; car en