Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/292

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ser prendre, l’assurant que s’il tombait aux mains des soldats, lui et son mari ne valaient guère mieux que s’ils étaient morts.

L’argent, qu’elle envoyait, était tout ce qu’elle avait pu réunir par des demandes ou des emprunts ; elle priait le ciel que nous puissions le mettre à profit.

Enfin elle ajoutait qu’elle joignait à sa lettre une des affiches qui donnaient notre signalement.

Nous lûmes cette affiche avec une vive curiosité, mêlée d’une certaine frayeur, un peu comme un homme se regarde dans un miroir, un peu comme on regarderait dans le canon du fusil d’un ennemi, pour voir s’il vous vise bien.

Alan était dépeint comme un homme de petite taille, marqué de petite vérole, agile, âgé de trente-cinq ans ou environ, coiffé d’un chapeau à plumes, vêtu d’un habit à basque bleu, à la française, avec des boutons d’argent et des dentelles très fripées, un gilet rouge et des culottes de peau noires.

Pour moi, j’étais représenté comme « un grand garçon bien bâti, d’environ seize ans, vêtu d’une vieille veste bleue, en très mauvais état, coiffé d’un vieux bonnet des Hautes-Terres, avec un long gilet en gros drap du pays, des culottes bleues, les jambes nues, chaussé des souliers des Basses-Terres avec les orteils à découvert ; parlant comme dans les Basses-Terres et imberbe ».

Alan fut assez content de voir son beau costume ainsi mentionné et détaillé, mais quand il en vint au mot « fripées », il regarda ses dentelles d’un air quelque peu mortifié.

Quant à moi, je trouvai que dans l’affiche, je faisais piteuse mine, mais j’en fus assez content, car depuis que j’avais quitté ces guenilles, le signalement avait cessé d’être un danger, il me servirait plutôt de passe-port.