Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/304

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avait la bouche close, ne songeant qu’à regarder devant lui, soulevant un pied et le laissant retomber, comme les gens qui lèvent des poids dans une fête de village.

Et tout le temps les oiseaux des landes criaient leur « pi-ip » à travers la bruyère.

Mais peu à peu la lumière devenait plus claire à l’Orient.

Je dis qu’Alan faisait comme moi.

Ce n’est point que j’aie jamais regardé de son côté, car je n’avais pas trop de mes yeux pour diriger mes pas, mais évidemment l’accablante lassitude devait l’avoir rendu aussi hébété que moi, et sans doute il ne se rendait pas compte de la direction, sans quoi nous ne serions pas allés donner comme des aveugles dans une embuscade.

Voici comme cela se fit.

Nous descendions une colline couverte de bruyère, Alan marchait devant et je le suivais à un ou deux pas de distance, comme un joueur de violon et sa femme, quand tout à coup la bruyère fit entendre un bruit de froissement, trois ou quatre hommes déguenillés en bondirent, et l’instant d’après, nous étions étendus sur le dos, la gorge menacée d’un poignard.

Je crois bien que cela me fut indifférent.

La douleur qui résultait de ce brutal traitement se noyait dans les douleurs que je ressentais partout, et j’étais trop content de ne plus marcher pour me préoccuper d’un poignard.

J’étais étendu, regardant la figure de l’homme qui me tenait.

Je me souviens qu’elle paraissait noire dans la lumière du soleil et qu’il avait les yeux de couleur claire, mais je n’avais pas peur de lui.

J’entendis Alan et un autre chuchoter en gaélique,